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dimanche 31 octobre 2010

Lettre ouverte à Nadine

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Lettre ouverte à Nadine



Lettre ouverte à Nadine à propos de son site ''mon budget ou comment apprendre à le gérer'' dans lequel elle tente d'expliquer aux pauvres comment s'en sortir... avec quelques conseils d'économie domestique de base (!)
Chère Nadine, vous vous fichez légèrement de notre tête... en pratiquant ici le coup de marketting le plus éculé qui soit : culpabiliser les pauvres pour qu'ils ne la ramènent plus.  En d'autres termes, voici ce que vous nous dites : "vous êtes mal dégourdi, y a qu'à vous que ça arrive à ce point -c'est par conséquent très marginal- donc ça n'existe pas -du moins pas fréquemment-.'' Et du coup, vous les pauvres, les "exceptions", vous n'existez pas, enfin pas comme vraiment humains.

Et si on n'existe pas, on la ferme et on s'enferme, crevant d'angoisse assis sur sa chaise, devant la télé... où des gens beaux riches et bronzés vous content de merveilleuses histoires : l'allégorie de la caverne moderne. Cela joue à tout niveaux : le vendeur qui vous assure que l'appareil que vous venez d'acheter et qui a rendu l'âme illico "fonctionne très bien, on n'a eu aucun retour, il n'y a que vous qui... Attendez que je vous explique : vous êtes sûre de l'avoir branché ?" (Parfois vous avez la chance qu'un autre cocu attende derrière vous et intervienne...) le tyran familial qui persuade ses victimes qu'elles sont nulles et méritent toutes les baffes qu'il leur distribue. C'est comme les pannes du net où on vous dit, suave, au téléphone "d'aller sur le site "orangepointeffeère"" où on répondra au mieux à toutes vos questions."

Nadine éternelle et de tous les pays

Mais peut-être êtes-vous sincère Nadine? C'est possible ! j'ai connu une... disons championne de votre catégorie qui l'était. Le bourgeois supporte mal la pauvreté ; car il est fondamentalement bon, le bourgeois, il n'a pas de raison d'être méchant, il a en général choisi d'être bourgeois et il en est fier, il ne voit même pas comment on peut être "autre" ; il représente tout ce que la société exige pour être aimé-apprécié et s'en targue - peu de choses, belle voiture, belle maison, belles vacances-... Donc ça le dérange, la pauvreté : un peu de conscience malheureuse. Alors il n'est pas avare, du moins de conseils : yaka, suffitde, faitescommemoi, jevaisvousdire... Et on l'écoute, forcément, il est bourgeois, l'image de l'humain. On est patients. Mais il y a un moment où tout de même ça ne passe plus.

Et quand on s'énerve, alors c'est l'autre face : si vous êtes "comme ça", c'est si rare mais bon, ça arrive d'être pauvre, soit, je veux bien l'admettre en ce qui vous concerne... c'est votre faute : irresponsable, imprévoyant, sous doué, mal dégourdi... autrement dit : bien fait et ta gueule. Car il faut que le pauvre soit responsable -et le croie- pour que le riche soit innocent. C'est carré.

Ma belle-mère (Dieu ait son âme) qui habitait seule un élégant quartier d'une capitale étrangère... adorait de la même façon faire des leçons d'économie à ses servantes, une vraie passion (pour les aider, car elle était bonne) : toujours aller au marché à la fin, ne pas hésiter à discuter les prix sans faiblir, essayer d'obtenir un petit bonus au moment de partir, une botte de persil, de menthe... prendre le bus et non un taxi (les malheureuses n'avaient jamais vu de taxi de leur vie), se servir de vieux vêtements pour laver les sols (les malheureuses les refilaient à plus pauvres qu'elles car ça existait), mettre immédiatement les légumes au réfrigérateur et inscrire le coût dans un cahier qui ne devait pas les quitter (la plupart ne savaient pas lire)... échanger ou exiger le remboursement d'un vêtement qui n'était pas parfait... et toujours éteindre la lumière en sortant d'une pièce. Rigolo ? Moyennement. Péché mignon disaient les innombrables amis de cette femme-enfant fort aimée... car elle était bonne, réellement, recevait divinement à toute heure, écoutait les malheurs de chacun sans lassitude et n'oubliait jamais un anniversaire... Simplement elle ne voyait pas la misère: ça n'entrait pas dans les catégories éternelles et immuables de cette sensible qui pleurait à la télé devant "La strada" ou "Les misérables"... se demandant à voix haute comment de telles horreurs étaient possibles... pendant que sa servante éreintée attendait sa permission pour aller se coucher.

... Mais jamais encore un hiérarque quelconque ayant-étudié-à-la-fac, chère Nadine, -je suppose que c'est votre cas- n'avait osé pondre un manuel qu'elle aurait pu signer et que l'on pourrait intituler "de la responsabilité des pauvres de leur pauvreté et de la manière de la leur faire accepter sans qu'ils ne nous emmerdent". HL

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